ESS/ Le pouvoir par la formeNon classé

« L’offre et la demande régule la forme architecturale. »  sic Adolf Loos

L’architecture est sous l’emprise du visuel. Du dessin au plan, de la maquette au chantier, la réalisation des formes édifiées dépend de la vision. Lorsque l’architecte organise les contours d’un objet, de sa structure, de sa configuration, il intègre son point de vue de départ, sa définition du lieu, sa culture, sa propre lecture et souvent son intuition.

Ayons de l’intuition et ne nous fions pas aux citations provocatrices, la régulation par l’offre et la demande de la forme est un raccourci qu’il conviendra de déconstruire. La forme, si elle ne se contente que de répondre à la demande n’est plus un objet réfléchi mais une réponse préétablie, standardisée, elle est le gage d’une perte d’autonomie, d’une simplification conceptuelle et d’une architecture pauvre en perte de substance.

La forme qu’elle soit urbaine ou non est intrinsèquement liée au point de vue de départ, à la formalité du regard posée sur elle.  La ville est à la fois une entité physique composée d’éléments bâtis, de matérialités, d’habitants et d’activités, elle se formalise à l’entité conceptuelle imaginaire sensible et symbolique liée à l’image mentale que les habitants s’en font. Répondre à la demande c’est cautionner une formalité immobile, en effet, c’est le type de réponse que l’on donne aux besoins qui doit définir la forme du bâtie et non le besoin lui-même.

La perception de la forme, se fait très souvent dans un cadre social statique, sortir du carcan pour analyser la forme revient donc à changer l’angle de vue sur celle-ci, alterner son image, à la transformer. Et c’est là que l’architecte entre en jeu.

S’interroger sur la nature de la forme revient à se questionner sur la formalité, au sens du cadre du projet, de son contexte urbain social, légal, administratif et parfois même religieux. La forte influence de cette formalité donne souvent à l’architecte l’accomplissement nécessaire à la validité de son acte.

Remettre en cause ce mécanisme d’impacts, c’est remettre en question un paradigme. Le modèle influence la forme, si elle en résulte pour partie, alors le levier d’action se situe dans le cadre qui régie la forme. Or si l’un des rôles de l’architecte est d’interroger un contexte, n’est-il pas logique qu’il s’intéresse également aux conditions de sa création ?

Certains mouvements s’opèrent, encore faut-il qu’ils prennent la bonne direction.  Sans consultation aucune avec la profession, la loi ELAN (Evolution du logement et aménagement numérique) en est un exemple. « Construire plus, mieux et moins cher », une formule malheureuse, où la loi du marché l’emporte sur la qualité. Cette politique jugée par beaucoup régressive formaliserait un véritable démantèlement de la loi MOP et affranchirait les organismes de logement social à l’obligation d’organiser un concours.

À l’après-guerre, aucun cadre qualitatif n’avait été fixé, il a fallu construire plus et plus vite, nous en connaissons aujourd’hui le bilan questionnable.

C’est en ce sens que le respect du concours reste une formalité nécessaire, il procède de manière vertueuse au choix de formes innovantes et de propositions qualitatives tournées vers l’avenir, s’en dispenser serait la fin de la forme, et par extension la fin de la vision architecturale d’une revendication urbain commune.

Conditionnés au sein de notre profession par une procédure, nous ne devons pas agir de manière prescrite par la bienséance, les conventions sociales ou les habitudes constructives : notre champ d’action dans cette situation est l’habilité avec laquelle nous savons sortir du tableau et faire bouger les lignes du cadre qui dessineront de nouvelles formes.

Car oui, la forme œuvre contre un formalisme sous-jacent nuisible à la profession, elle puise sa force dans son ouverture en assimilant le progrès, elle évolue. La forme est un pouvoir en mouvement.

Engagez-vous[1] sous toutes les formes !

Christophe Beraldin

[1] Le Conseil national et les conseils régionaux de l’Ordre ont décidé d’organiser sur l’ensemble du territoire une journée nationale d’actions et de débats, le 17 mai 2018.

Cette journée permettra de donner la parole à l’ensemble des acteurs de la production de logements – élus locaux, bailleurs sociaux et promoteurs, professionnels de la maîtrise d’œuvre et de la construction – et aux associations d’habitants.

Le CNOA réunira les acteurs du Logement concernés dans le courant du mois d’avril pour permettre le plus large partage des préoccupations liées à la qualité de l’habitat et le plus grand impact de la mobilisation du 17 mai.

https://www.architectes.org/actualites/journee-d-action-nationale-pour-le-logement-le-17-mai